PIERRE PACTON (1856-1938)
A l’inverse de certains artistes du groupe Carriès, Pierre Pacton n’est pas issu d’un milieu aisé, il n’appartient pas à la communauté potière, mais est originaire d’un monde très modeste où les autorités religieuses exercèrent une tutelle. Son enfance peu chanceuse présente des analogies avec celle de Jean Carriès .
Informé des travaux du sculpteur en Puisaye, cet homme curieux et cultivé en admire le fruit. En 1898, alors curé d’Arquian, Pierre Pacton décide de mettre à profit les leçons du maître et se lance dans l’aventure. Sur la commune, à la Noisette, il installe un atelier de tournage dans une poterie désaffectée. Antoine Gaubier au Brioux et Eugène Lion à St Amand lui offrent les bases techniques et se chargent de la cuisson.
L’œuvre de Pierre Pacton, empreinte de naturalisme, est habitée par l’esprit du Japon. Il tourne avec art des pièces petites, trapues, souvent bilobées, parfois déformées, et de remarquables pichets naturalistes. Avec son complice André Minil il imagine un bestiaire à la saisissante impression de vie. Pour ces créations zoomorphes il puise au répertoire asiatique quand il représente un poisson monstrueux, mais s’inspire de l’école palissyste lorsqu’il sculpte un tertre animé d’un lézard et d’une grenouille. Cette verve le classe parmi les artistes animaliers du groupe.
Pierre Pacton produit peu, ne vend pas, et demeure le seul à n’avoir jamais participé à des expositions locales, régionales ou nationales. Il préfère offrir ses créations aux amateurs venus visiter le petit musée installé dans sa cure où, collectionneur averti, des œuvres de Jean Carriès côtoient des pièces de fouille et des grès usuels de Puisaye. Passionné par les bleus de Puisaye, à l’instar de son ami Paul Jeanneney, Pierre Pacton se consacre à de fructueuses recherches ayant permis de lever le voile du mystère entourant cette production exceptionnelle. Outre sa passion pour l’archéologie, il a découvert non loin d’Arquian d’importantes stations néolithiques, profitant des loisirs laissés par son sacerdoce, alors que des prêtres sont géologues, anthropologues ou herboristes, lui choisit de se mesurer à la terre et au feu pour assouvir son désir créatif.
Si la démarche de Pierre Pacton put être jugée singulière par l’autorité religieuse et lui valoir quelques observations, il fut bien compris des potiers locaux et des artistes du groupe avec lesquels il entretint d’excellentes relations. Son œuvre, rare, nous laisse le message d’un homme serein, à l’idéal accompli.

Texte et photos extraits du catalogue du musée du grès ancien, à Premery : La Passion du grès L'école de Carriès de Patricia Monjaret et Marc Ducret, collection Musée du grès à Saint-Amand-en-Puisaye, et particulière.